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Je n’étais pas particulièrement douée à l’école… Ni dans un quelconque autre domaine d’ailleurs. Pas particulièrement douée, mais pas particulièrement nulle non plus : je dirais que je me situais dans cette moyenne soporifique que tout le monde redoute. Même mon apparence témoignait de cette mortifiante banalité. Ni grande, ni petite, rondouillette sans non plus tomber dans le surpoids, des traits communs, des cheveux ni plats, ni ondulés, pas tout à fait blonds mais pas vraiment bruns. Côté caractère, ce n’était pas mieux… Les gens me trouvaient sympa. Sympa… En réalité, il s’agissait d’une manière polie de dire qu’ils ne se souvenaient pas vraiment de moi. Bref : sympa mais insignifiante... Si je devais citer un seul trait distinctif de ma personnalité, qui d’ailleurs faisait à une époque ma fierté, ce serait mon humour cynique. Malheureusement pour moi, seul un nombre limité de personnes semblait sensible à ce dernier, si bien que je me voyais forcée de ponctuer mes traits d’humour de didascalies pathétiques telles que : je plaisante… Insignifiante et incomprise… Si aujourd’hui, cette marginalité relative me laisse de marbre, sachez bien qu’à l’époque où se situe mon histoire, être à ce point incomprise était une douleur véritable !

Ma vie professionnelle n’était pas des plus palpitantes non plus. Le calme plat. Bien que parler d’électrocardiogramme plat semble plus approprié : je m’ennuyais à mourir. Une besogne aussi peu sympathique que stimulante m’attendait chaque matin, et chaque jour me laissait un sentiment angoissant de déjà-vu… Arriver au travail, allumer l’ordinateur, répondre aux mails, éteindre l’ordinateur, rentrer chez moi… Voilà quel était mon immuable emploi du temps. Mon apathie était telle que si je parvenais à me plaindre, je ne parvenais par contre plus à trouver l’énergie pour entreprendre de me sortir de ce marasme intellectuel. Vous l’aurez donc compris, je me complaisais dans ce pitoyable état végétatif.

Pourquoi vous parler de moi, me demanderez-vous alors, petite chose insignifiante, banale et chiante à mourir ? Qui pourrait bien s’intéresser à la détresse d’une âme aussi peu ambitieuse, quand tout un chacun se doit de se confronter à sa propre médiocrité ? Personne… Vous avez raison. Mais, attendez. Attendez ! Ne fermez pas encore le livre ! Car je vous rassure, ce n’est pas pour vous parler de moi que j’ai pris la plume aujourd’hui, mais bien pour vous parler d’elle. Elle, là-bas ! Regardez ! Vous la voyez ? C’est la femme qui est de l’autre côté de la page ! Tournez-la ! Lisez et surtout, rêvez… Je vous en conjure, laissez libre cours à votre imagination, c’est le plus important !