af / 16.

Le réveil fut difficile… Croyez-moi… J’avais mal à la tête, j’avais une ecchymose sur le côté de la cuisse qui me faisait terriblement souffrir, résultat de la chute post-baiser, j’avais la bouche pâteuse et surtout j’étais perdue ! Les sentiments que j’éprouvais à ce moment précis étaient tous antagonistes : j’avais l’impression d’être écartelée par mon propre flux de pensées. J’avais envie de tout et de son contraire. Je refusais de me remettre un jour dans pareille situation et pourtant me réjouissais d’une prochaine fois. J’avais hâte, j’avais peur ; j’étais contente, j’avais honte ; je voulais fuir, je voulais ramper ; je voulais la voir, je voulais l’oublier. Cette dernière soirée avait complètement ébranlé ce qui me constituait intrinsèquement. Toutes mes idées, toutes mes valeurs, mes envies mêmes ! Tout vacillait. J’étais devenue bancale… C’est ça, c’est tout à fait ça : bancale… Situation pour le moins peu confortable, vous en conviendrez.

Préférant m’accorder quelques jours de répit avant d’affronter le monde extérieur, souhaitant essayer de me remettre d’aplomb avant d’aller au travail, je décidai de me faire porter pâle. J’appelai donc mon employeur et prétextais une migraine foudroyante me terrasse… clouée au lit… désolée… je vous tiens au courant… A bientôt.

Je n’avais pas complètement menti : je n’allais pas quitter mon lit pendant les trois jours qui suivraient, hormis pour les actions de premières nécessités : manger, pisser et plus si l’envie venait. Un retour aux sources de ce que nous sommes véritablement me paraissait salutaire afin d’essayer de rebâtir mes fondations.

Trois jours durant donc, je me laissai aller à la plus vile paresse, faisant corps avec mon matelas, sentant ma chair se liquéfier et fusionner avec mon duvet. Je dormais beaucoup, regardais la télé avachie sur mon canapé, mangeais et réfléchissais… un peu. Que devais-je faire ? Que voulais-je faire ? Je ne savais pas… Je ne savais même plus qui j’étais…

Trois jours plus tard donc, mon téléphone sonna. Evidemment… Une migraine qui dure trois jours, ma cheffe n’y croyait certainement pas… Elle venait aux nouvelles ! L’heure était donc venue pour moi de retourner à la vraie vie… Remobiliser mon corps et mes muscles, remobiliser mon cerveau et mes capacités intellectuelles. Il me faudrait me lever, me laver (et oui…), m’habiller. Je répondis sans grand enthousiasme :

- Allô ?

- Alors ? Tu fais ta prude ?

- ……………..

C’était Véro ! Je n’avais pas imaginé un quart de seconde qu’elle put me recontacter. Je n’avais pas imaginé un quart de seconde qu’elle put, elle, vouloir me revoir !

- Ha ! Salut…

- Tu fais ta prude ma chérie ?

- Non… Non, non… Je… Je suis malade. Une migraine… (Optimisation du mensonge !)

- Aïe, ma pauvre… Dommage ! J’ai prévu une soirée chez moi ce soir et souhaitais te proposer de passer… Mais si tu n’es pas bien, il vaut mieux que tu restes chez toi et que tu te reposes !

Merde… Mensonge pourri… Evidemment que j’avais envie d’y aller !

- Ecoute, je te tiens au courant… Ca va quand même bien mieux. Je pense d’ailleurs retourner au travail demain… Si je me sens d’attaque, je passerai un moment, ok ?

- Ok Lila, c’est toi qui vois !

Alors que je raccrochais, je savais déjà que je ne résisterais pas à l’idée de la voir. Je me levai d’un bond, remettant en mouvement mes muscles, et repris vie instantanément. Il était seize heures, déjà, et j’avais beaucoup de boulot si je voulais réussir à me redonner une apparence humaine. Il me fallait donc commencer sur le champ ! Douche, friction, après-shampoing, épilation, démêlage de crinière, masque de beauté, maquillage et choix des vêtements. La cécité de Véro n’était pas une excuse pour ne pas essayer de m’arranger quelque peu… Si je voulais y être pour vingt heures, il me fallait commencer sur le champ !