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- Quoi ?

- Je te demande si tu te fous de ma gueule ?

- Tu n’es quand même pas en train de me faire une scène, j’espère ! me dit Véro.

- Et pourquoi je ne t’en ferais pas une ?

- Parce que ce n’est pas franchement le bon moment il me semble.

- Par contre, c’est toujours le bon moment pour me prendre pour une conne, n’est-ce pas ?

Elisa nous regardait, étonnée et gênée. Il était évident qu’elle ne savait pas ce qu’elle devait faire : fuir l’orage ou faire office de paratonnerre. Véro dû ressentir son malaise et lui dit :

- Je ne t’en voudrais pas Elisa si tu préfères partir que d’assister à ça…

- Ok… Ca roule… Ben alors en effet, je crois que je vais rentrer. Appelle-moi ! dit-elle en lui posant un baiser sur la joue. Que dis-je, la joue… Elisa posa ses lèvres au coin des lèvres de Véro, ce qui eut pour effet de décupler ma colère !

- C’est parfait, dis-je, vraiment parfait !

- C’est quoi ton problème Lila ?

- Mon problème ? Putain, tu me roules une pelle de malade et après tu m’ignores ? Tu me chauffes pour ensuite draguer la première miss qui se pointe ?

Notre scène eu pour effet de chasser les derniers fêtards. L’appartement de Véro était enfin vide. Mais le tonnerre grondait déjà dans la pièce, se faisant l’écho de nos paroles. Sourd, puissant, grave. Son roulement résonnait avec force entre nous et nous forçait à élever la voix. Le fracas était tel que nous devions hurler pour espérer nous entendre. Le bruit, terrifiant, nous poussait, par moment, à nous boucher les oreilles ! L’orage semblait être sur le point d’éclater et nous étions au cœur de la tempête !

- En fait, j’étais qu’un petit challenge pour toi, c’est ça ? La petite prude qu’il faut décoincer, l’hétéro qui va bien finir par m’embrasser.

- Quoi ?

- Je dis : j’étais qu’un petit challenge pour toi ! Celle qui va finir par m’embrasser, répétai-je en hurlant.

- Tu marques un point, cria-t-elle, c’est effectivement toi qui m’as embrassée et pas l’inverse.

- T’as raison, vas-y, joue sur les mots. C’est toi qui a foutu ta langue dans ma bouche il me semble, non ? Putain si je regrette !

- Mais alors barre-toi Lila ! Si tu regrettes, tu prends ton sac et ta veste et tu te casses !

- Je n’ai pas de veste.

- Ce sera plus rapide.

Un long silence s’en suivit. Un long silence salvateur… Il permit de faire redescendre la pression. Le tonnerre se tut. Nous allions pouvoir reprendre une conversation au volume sonore normal...

- Tu n’as pas répondu à ma question, dis-je enfin.

- Quelle question ?

- J’étais qu’un petit challenge pour toi, un petit passe-temps ?

Elle ne répondit pas tout de suite mais je vis son visage se fermer. Je venais de la blesser.

- Tu n’as rien compris Lila… Tu n’as vraiment rien compris… Si c’est comme ça que tu me vois, en effet, je pense qu’il vaut mieux que tu t’en ailles. Et que tu ne reviennes pas, dit-elle calmement, la voix légèrement chevrotante.

- C’est ce que tu veux ?

- Là n’est pas la question…

- Là est toute la question !

- Absolument pas. La question était de savoir si tu n’étais qu’un petit challenge pour moi. Je ne m’abaisserai pas à répondre. Tu éteindras les lumières et claqueras la porte en partant, je vais me coucher. Au revoir Lila.

Prononçant ces mots, je la vis se diriger en direction du couloir qui desservait chambre et salle de bain. Son chagrin se lisait sur son corps : son pas était lent, ses épaules voûtées, ses mains lasses…

J’étais triste moi aussi… Comment avais-je pu laisser la colère parler pour moi ? Comment avais-je pu ainsi tout gâcher entre nous ? Je savais que je n’étais pas un passe-temps, ou du moins je m’en doutais. Et au vue de sa réaction, je savais maintenant qu’elle tenait véritablement à moi. L’appartement de Véro résonna quelque temps encore de bruits d’eau et de toilettes, puis j’entendis la porte de sa chambre se fermer.

Silence… Plus un bruit…

Je tendis l’oreille en direction du couloir mais ne perçus plus aucun son… Je restais sans bouger, au milieu du salon, là où la tempête de notre dernier échange m’avait fait échouer. J’étais comme pétrifiée, incapable du moindre mouvement. Une chose était sûre : je ne pouvais pas partir. Je ne le pouvais simplement pas. Partir, c’était mettre un terme à notre relation, je le savais. La fierté de Véro ne supporterait pas un tel affront. Cette pensée m’était inconcevable : les larmes me montaient aux yeux. Je restais donc là, inerte. Ne sachant ce que je devais faire. Ma tête était vide. Totalement vide. Je n’arrivais plus à réfléchir. Et ce silence, écrasant, me clouait au sol. Je la savais là, à quelques mètres de moi. Je la savais triste… Il me suffisait simplement d’aller la voir et de m’excuser… Il me suffisait simplement d’ouvrir sa porte et de lui dire trois petits mots : je m’excuse… Mais je ne bougeais pas. Le courage me manquait. Ou la volonté d’affronter Véro, je ne sais pas. Il fallait pourtant que je réagisse… Le temps coulait sur moi, laissant les grains du sablier m’enliser dans ce présent meurtri. Mes pieds étaient bientôt recouverts de sable, puis mes chevilles. Bientôt, mes genoux seraient eux aussi pris dans cet étau arénacé, m’empêchant ainsi de remuer les jambes. Plus j’attendais et moins j’avais la force de bouger…

Il faut que tu ailles t’excuser, Lila… Maintenant !, me disais-je. C’est maintenant, ou jamais ! Tu es en train de tout foutre en l’air. Allez, ravale ta fierté et vas-y. Tu lui dois bien ça. Je bougeai alors un pied, sur quelques centimètres seulement. Puis le deuxième, m’extirpant enfin du piège tendu par le temps. Puis, lentement, je me mis à marcher en direction de sa chambre. Hésitante. Je ne savais toujours pas exactement ce que je devais faire. J’ouvris lentement la porte et tendis l’oreille. Je n’entendais rien. Absolument rien. Même pas le bruit de sa respiration.

- Véro je… chuchotais-je.

Mais je ne continuai pas ma phrase. J’avais changé d’avis. Soudain, je ne voulais plus m’excuser, je ne voulais plus être cette fille indécise, incapable d’audace ou de cran. C’était à moi de décider ce que je désirais, à moi d’assumer celle que j’étais, à moi d’imposer ma volonté. J’ouvris grand la porte sans prononcer un mot de plus. J’avançai vers son lit, gentiment, mais décidée. Je devinais son corps dans la pénombre, délicatement drapé. Je devinais ses courbes, la cambrure de son dos, le bas de ses reins, l’arrondi de ses fesses. Je devinais ses seins, ses longs cheveux noirs éparpillés sur l’oreiller. Je savais sa beauté et la sensualité qui se dégageait de tout son être. Je savais qu’elle pouvait m’ouvrir les portes d’un monde inconnu, luxurieux, charnel. Et je ne voulais plus lutter contre cette envie de découverte. Ni même contre mon désir.

Je m’approchai donc de son lit et commençai à me déshabiller. J’enlevai un à un mes vêtements, les laissant choir sur le sol. Je savais que Véro ne dormait pas. Je sentais son attention, j’entendais son souffle qui s’accélérait, je savais la tension qui habitait maintenant son corps tout entier. Je dégrafai mon soutien-gorge, le laissai glisser le long de mes bras, découvrant une poitrine opulente et gorgée de désirs. Mon souffle lui aussi se faisait court. J’étais excitée et quelque peu paniquée. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendait ! La seule certitude que j’avais pour le moment était cette excitation nouvelle pour moi : elle me serrait le ventre et brouillait mes pensées, elle m’asséchait la bouche mais mouillait ma culotte. Véro se tourna sur le dos, laissant le drap glisser sur son corps et découvrir sa poitrine nue. Elle était tellement belle... J’ôtai enfin ma culotte.