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Genève, juillet 2002

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la relation que je vivais avec Véro ne me posait aucun problème. Moi qui avait toujours été en proie aux doutes et aux questionnements sans fin, j’étais en parfaite adéquation avec moi-même. Et si j’avais pu me demander par le passé si j’étais lesbienne, la réponse coulait maintenant de source : non. Je sais, vous avez certainement de la peine à me croire au vue de ce que je vous ai raconté. Et pourtant, je n’avais jamais été aussi assurée de mon orientation sexuelle. Véro me permettait de me découvrir, de me révéler à moi-même. J’apprenais à aimer mon corps, j’apprenais à assouvir mes désirs et à assumer mes fantasmes. Mais à aucun moment, je n’ai eu envie d’être en couple avec elle.

C’est paradoxal, j’en ai conscience. Mais qui a dit que l’esprit humain n’est pas torturé ? Alors que notre relation était platonique, je rêvais d’exclusivité et l’éventualité que je pusse être lesbienne me posait d’énormes problèmes existentiels. Maintenant que j’avais Véro pour moi, je ne souhaitais plus vivre l’expérience du couple conventionnel, qui s’affiche et se positionne comme tel. Véro était… un poétique plan cul… Nous ne nous cachions pas, mais nous ne nous affichions pas non plus, hormis lors de pulsions incontrôlables bien souvent attisées par l’alcool. Ainsi, pas de balades main dans la main, pas de projets communs, pas de petites caresses échangées amoureusement. Nous étions deux amies très proches, qui couchaient ensemble et vivaient des expériences transcendantes proches du paranormal. Point. Rien de plus. L’exclusivité n’était donc pas une composante constitutive de notre pseudo couple.

Je venais de découvrir, grâce à Véro, le potentiel érotique qui se cachait en moi. Telle une fleur, ma sexualité ne demandait qu’à s’épanouir. J’étais avide de découvertes et me révélais, je crois, très ouverte d’esprit ! Je vous raconterai un petit peu plus tard les découvertes que je fis en sa compagnie. Je ne suis pas sûre d’être encore prête à vous dévoiler aussi ouvertement les détails de nos ébats. Perversion ? Initiation ? Luxure ? Ou acceptation de mon moi profond… Je vous en laisserai juge… Lorsque je serai prête à me confier !

Ce que je peux vous dire cependant, c’est qu’après m’avoir ouvert les yeux sur le monde qui m’entourait, après m’avoir rendue enfin réceptive à la poésie de mon univers, aliénant parfois la réalité au profit d’une chimère lyrique, après m’avoir sorti la tête du brouillard qui m’engluait l’esprit, elle venait de réveiller mon corps. Véro avait sauvé mon âme puis mon être tout entier.

Je vous sens perplexe… Je vous comprends. L’ambivalence existant entre ce que d’aucuns pourraient qualifier de débauche sexuelle et la poésie de ma vie quotidienne vous laisse dubitatif et c’est bien normal. Pourtant, ces deux univers qui pourraient paraître opposés se rejoignaient. Je ne ressentais en effet rien de trivial dans nos ébats, aussi lubriques aient-ils pu être. Au lit comme dans la vie de tous les jours, une sorte de délire métaphysique s’emparait bien souvent de moi pour faire de mes expériences sexuelles un voyage fantastique.

Peut-être me voilais-je la face. C’est possible. Cependant, cette synesthésie me semblait bien réelle. Chaque sensation perçue par mon corps était retranscrite en expérience poétique par mon cerveau. J’avais l’impression que ma peau se soulevait telle une vague pour aller à la rencontre de ses doigts lorsqu’elle m’effleurait, produisant un doux son de clous s’entrechoquant. Mes cheveux ondulaient suavement, se décollant de l’oreiller pour flotter un instant dans les airs, lorsqu’elle passait sa main dans ma chevelure, prolongeant le mouvement que Véro initiait alors. Les gouttes de transpiration qui perlaient parfois sur mon front m’auréolaient d’un diadème de perles. Elles roulaient le long de ma tempe, chaviraient dans mon cou, glissaient sur ma poitrine et finissaient leurs courses dans mon nombril, ainsi paré d’un bijou séculaire. Mes seins devenaient glace au contact de sa langue, l’invitant à sucer mes tétons telle une douceur estivale, alors que ma peau s’enflammait quand l’excitation montait. Nos langues se mêlaient à l’infini lorsque nous nous embrassions. Enfin, mon sexe se métamorphosait en un bourgeon gorgé de sucs, prêt à exploser. Je sentais le plaisir monter en moi, telle une plante rampante envahissant mon corps et découvrais des milliers de fleurs éclore en même temps dans une symphonie de couleurs chatoyantes alors que j’exultais de plaisir. Voilà ce que je ressentais lorsque nous faisions l’amour. Et ce même lorsque nos ébats auraient pu paraître… obscènes…